Bénin, Congo et Niger : Un 20 mars 2016 différemment “démocratique”

21 mars 2016

Bénin, Congo et Niger : Un 20 mars 2016 différemment “démocratique”

Une femme glisse son bulletin dans l'urne pour le second tour de la présidentielle béninoise le 20 mars 2016 à Natitingou (Nord du Bénin)
Une femme glisse son bulletin dans l’urne pour le second tour de la présidentielle béninoise le 20 mars 2016 à Natitingou (Nord du Bénin)

Cela arrive certainement rarement. On savait que 2016 est une année amplement électorale en Afrique. Mais on ne pouvait pas imaginer que trois pays voteraient le même jour pour le même type d’élection. Ce 20 mars 2016 était jour d’élection présidentielle au Bénin, au Congo et au Niger, trois pays francophones d’Afrique. Ils votaient certes ce dimanche mais le contexte électoral n’était pas le même. Il y a avait élection et réélections

Bénin : Election

L’élection présidentielle béninoise était des plus ouvertes que le pays ait jamais connues. Le président sortant, Boni Yayi n’étant pas candidat, le jeu était très incertain. Même le candidat – le Premier ministre Lionel Zinsou – soutenu par la coalition politique au pouvoir et d’autres partis, n’était pas donné favori. Arrivé premier à l’issue du premier tour deux semaines en arrière, Lionel Zinsou affrontait Patrice Talon. Ce dernier s’était fait une réputation d’irréductible opposant de Boni Yayi alors même qu’il n’était pas monté sur la scène politique à visage découvert. L’homme d’affaires qui finançait la classe politique depuis 1995 a décidé de se porter candidat. Et avec son réseau, il a fait mal. Lors d’un inédit débat télévisé entre les deux finalistes, le peuple béninois a eu l’occasion  d’apprécier ces deux personnalités mais aussi de montrer à la face du monde que la transparence n’est pas un voeu dans les élections béninoises. Elle se manifeste aussi à la télé.


A l’issue du vote, Patrice Talon a remporté le duel avec Lionel Zinsou, le dauphin béni de Boni Yayi. C’est inimaginable en Afrique qu’un président qui finit 10 ans de pouvoir n’arrive pas à faire élire le candidat qu’il soutient pour sa succession. Mieux, c’est l’opposant radical de Boni Yayi qui gagne et confirme la “rupture”, le maître mot de cette élection. Le candidat malheureux ne tardera pas à reconnaître sa défaite et appeler le nouvel élu pour le féliciter.

Il ne pouvait faire autrement car les chiffres étaient connus de tous… grâce notamment aux moyens de communication mis à profit par un peuple vigilant. Oui, la société civile a veillé et même collecté les résultats au moyen d’Internet. C’était donc une vraie élection au Bénin en 2016. Tout le contraire de ce que le Niger et le Congo ont proposé à l’Afrique ce dimanche.

Congo et Niger : Réélection sans péril

Au Congo et au Niger ce 20 mars, il ne s’agit pas d’élection mais de réélection bien orchestrée. Le Congo votait pour le premier tour de la présidentielle qui opposait le chef de l’Etat sortant – Denis Sassou Nguesso qui ne sortira pas – à huit autres candidats. Le Président congolais est à la quête d’un nouveau mandat après 32 ans passés au pouvoir. Sa victoire est toute tracée depuis la révision réussie de la Constitution à cette seule fin. C’était le premier acte d’un scénario qui finira comme voulu. Comment ne pas présager d’une victoire du président candidat quand le scrutin est organisé dans un contexte “moyen-âgeux” ? Tenez, au 21è siècle, dans un pays qui se veut démocratique, le gouvernement coupe les télécommunications sous un fallacieux prétexte de sûreté nationale, le jour du vote ! Cela ne suscite que de l’indignation.

Au Bénin, une telle mesure ne passerait pas. A la veille du premier tour de la présidentielle, le gouvernement avait décidé d’interdire les téléphones portables dans les bureaux de vote. Un tollé s’ensuivit. La commission électorale qui seule est compétente va simplement désavouer le gouvernement au grand bonheur des électeurs et de la société civile. Mais de quoi a si peur Sassou Nguesso ? Avant le du vote, un des candidat, le Général Jean-Marie Michel Mokoko avait même été interpellé par le service des renseignements à plusieurs reprises… Tous les moyens sont bons pour organiser une réélection.

Au Niger, c’est la réélection de la honte qui déshonore ce pays. Le président en exercice veut rempiler. Ce 20 mars, il fait face au second tour de la présidentielle à Hama Amadou, emprisonné depuis novembre 2015, pour un délit de droit commun, la supposition d’enfant. L’opposant en prison lors du premier tour était arrivé 2ème. Pour le second tour, ses soutiens auront tout fait pour le faire libérer pour qu’il batte campagne, mais en vain. Il sortira de prison, pas pour se promouvoir mais pour aller directement en France se faire soigner. Pauvre opposant. Le président nigérien n’a pas voulu de lui sur le ring pour un combat à la régulière. Après sa réélection (sans péril), j’espère pour Mahamadou Issoufou de ne pas “triompher sans gloire”.

Vincent Agué

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