Vincent AGUE

Le Bénin vote et hisse plus haut son orgueil démocratique

Un électeur dans l'isoloir de vote le 6 mars à Abomey-Calavi. Il était le premier votant, arrivé très tôt.
Un électeur dans l’isoloir de vote le 6 mars à Abomey-Calavi. Il était le premier votant, arrivé très tôt.

Dans un pays où la voix du citoyen lambda compte peu, ce dernier n’a réellement le pouvoir que le jour de l’élection. Et le Béninois sait toujours en saisir l’occasion. Ce dimanche 6 mars 2016, nous avons voté pour le premier tour de l’élection présidentielle. Une élection tant attendue avec beaucoup de passion. La campagne électorale avait emballé tout le pays, l’intensité des débats sur les réseaux sociaux en est une preuve.

Ce dimanche matin, le citoyen béninois que je suis était certes mobilisé pour le travail, la couverture médiatique du scrutin pour l’ORTB, mais j’ai avant tout exercé mon droit de vote entre deux prises de vue dans mon centre de vote. Je l’ai fait, et c’était la deuxième fois que je votais pour une présidentielle, avec émotion. J’ai senti que j’avais de la valeur, que ma voix comptait, ne serait-ce que pour ce seul jour de vote. Et je n’étais pas le seul. J’ai pu apprécier l’engouement de mes compatriotes à aller choisir qui ils veulent comme président de la République.

Je l’ai apprécié à travers notamment :

  • L’extrême ponctualité de certains au niveau des centres de vote.

C’est étonnant quand on sait que le retard est un trait caractéristique des Béninois. A 6 heures 30, dans un centre de vote, des électeurs étaient déjà présents et attendaient l’ouverture du vote.

Un poste de vote prêt avant 7 heures. Quelques électeurs sont déjà présents. Abomey-Calavi le 6 mars 2016.
Un poste de vote prêt avant 7 heures. Quelques électeurs sont déjà présents. Abomey-Calavi le 6 mars 2016.
  • Les files devant les postes de vote.

Même s’il y a des bégaiements dans les opérations, les électeurs patientaient.

Dès les premières minutes de l'ouverture du vote, des files d'attente se sont formées, à Sèmè-Podji, près de Cotonou.
Dès les premières minutes de l’ouverture du vote, des files d’attente se sont formées, à Sèmè-Podji, près de Cotonou.
  • La publication sur les réseaux sociaux par certains d’une preuve de leur vote

Même le jour du vote, les réseaux sociaux qui étaient fortement utilisés lors de la campagne électorale, ont été pris d’assaut par les facebookeurs et les twittos. Beaucoup ont montré leur pouce recouvert de l’encre indélébile, signe qu’ils ont voté.

J’ai voté! #vote229 #présidentielle2016 #Bénin

Posté par Sèmèvo Koucoi sur dimanche 6 mars 2016

Le seigneur nous accompagne jusqu’au bout!

Posté par André Dossa sur dimanche 6 mars 2016

  • L’appel au vote aussi

Le journaliste Déo Gratias Kindoho est plus qu’un activiste sur le web au Bénin. Il a invité ses compatriotes à aller voter.

T’attends quoi? T’entends pas ou quoi?

Posté par Deo Gratias Kindoho sur dimanche 6 mars 2016

J’ai surtout touché du doigt l’attachement du Béninois à son droit de vote à travers les plaintes d’un citoyen qui cherchait désespérément ce dimanche matin son centre de vote. Il m’a approché alors que je quittais un centre tout découragé : “Je n’ai pas ma nouvelle carte d’électeur, l’ancienne, je l’ai perdue et je n’ai pas de pièce d’identité. Est-ce que je peux voter ?”. J’avoue que je n’ai pas eu le courage de lui dire, au risque de le blesser, qu’il ne pourra malheureusement pas voter sans l’une de ces pièces qui lui manquent. Je lui ai donc laissé un faux espoir en lui conseillant de faire le tour des postes de vote et de toujours poser son problème. Le pauvre !

Ma conclusion, c’est que le Béninois insiste pour voter

Le vote s’est globalement bien déroulé partout au Bénin. Ce n’était pas gagné d’avance pourtant au vu des conditions de préparation du scrutin. Le contexte était peu rassurant. Mais à l’arrivée, les Béninois sont près de démontrer encore une fois qu’ils sont un peuple exceptionnel, celui qui lança en 1990 la vague de démocratisation en Afrique noire.  

D’ailleurs, le Béninois en est trop fier, la démocratie est un orgueil national dans mon pays. Gare à celui qui se hasardera à l’arrêter ici. Maintenant, j’espère que le choix du peuple soit respecté.

Vincent Agué (Facebook, Twitter)

 


Bénin : Lionel Zinsou, le retardataire qui rêve de la première place

Que dire encore en plus de tout ce qui a pu être dit sur lui depuis qu’il a décidé de briguer la présidence du Bénin ? Et même bien avant, quand sa candidature n’était encore qu’à l’étape des supputations, elle a fait couler beaucoup d’encre et des averses de salive sont tombées sur la scène publique béninoise pour dénoncer Lionel Zinsou. Vincent veut-il en remettre une couche ? Certainement pas. Mais ma réflexion ne vient pas non plus défendre l’intéressé. Dans une précédente réflexion je présentais Abdoulaye Bio Tchané et Pascal Irénée Koupaki comme les deux meilleurs candidats à la présidentielle de mars 2016 (Présidentielle 2016 : Bio Tchané et Koupaki, deux “cartésiens” qui veulent faire la politique autrement). Si je devais ajouter un troisième choix, Lionel Zinsou aurait eu ma faveur. Voici pourquoi je l’ai écarté.

Que ce soit clair, je ne suis pas de ceux qui fustigent l’ambition présidentielle de Lionel Zinsou sur la seule base de sa double nationalité ou sa nationalité française. Loin s’en faut, je ne suis pas raciste. D’ailleurs, j’aime les Blancs et Lionel Zinsou n’est pas un Blanc. Je vous étonnerais en vous disant que je n’ai jamais entièrement condamné la colonisation. C’est peut-être choquant, mais c’est la réalité et je l’assume. Dans mon pays, les exemples de gestion irresponsable foisonnent et suffisent à démontrer que nous avons mal négocié le virage de l’indépendance. Le Blanc nous a laissé les rails et les trains, nous les avons tués, le Blanc nous a construit des bâtiments qui tiennent debout depuis plus d’un siècle, pendant ce temps les édifices que les ingénieurs locaux ont réalisés tombent souvent en ruine quelques années après… Alors, je puis vous dire que je n’ai jamais considéré comme une insulte le célèbre discours de Nicolas Sarkozy à Dakar en 2007 selon lequel “L’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire” . En voilà pour la mise au point.

Je l’aime bien bien, mais…

Cependant, qu’est-ce que mon compatriote Lionel Zinsou vient-il chercher à vouloir devenir en 2016 président du Bénin ? D’où vient-il ? Son rêve date de quand ? Que sait-il de son pays ? Que savent ses compatriotes de lui ? Mes questionnements n’en finissent pas. Depuis que je me suis imposé un recul pour analyser la candidature du Premier ministre à l’élection présidentielle de 2016, je me suis rendu compte que cette ambition était inadmissible à l’heure actuelle. Pourquoi ?

Visiblement, Lionel Zinsou n’aurait pas été candidat à l’élection présidentielle s’il n’avait pas été bombardé Premier ministre au préalable par le Président Boni Yayi. Je n’insinue rien, je ne fais que répéter l’ancien patron de PAI Patners. Après le dépôt de sa candidature à la Commission électorale le 12 janvier 2016, il déclarait devant les micros et caméras :

“Je voudrais rendre hommage au Président Yayi Boni parce que s’il ne m’avait pas fait confiance en me confiant des responsabilités gouvernementales, aujourd’hui, au fond, je n’irais pas devant mes compatriotes avec le sentiment d’un soutien et de mettre mes pas dans son action”.

 

Opportunisme

Sans avoir à ce que nous sachions au Bénin, oeuvré aux côtés de Boni Yayi – même si l’on me vante sa fonction de conseiller à l’économie à distance pendant cinq ans – voilà donc M. Zinsou choisi par le président sortant pour lui succéder. Comme dans une monarchie. Et même si le chef de l’Etat sortant pouvait se permettre une telle initiative, Lionel Zinsou est-il le mieux placé ? Boni Yayi n’a-t-il pas eu des collaborateurs aussi compétents en mesure de lui succéder ? Singulièrement, il me plaît de mentionner son ancien Premier ministre et homme de confiance Pascal Koupaki qui l’aura servi avec loyauté  sept ans durant. Mais nous voici devant le fait accompli : Lionel Zinsou a été imposé (il n’y à qu’à écouter les proches du président pour s’en convaincre).

Il faut être honnête et reconnaître même quand on a de la sympathie pour lui, que M. Zinsou n’a pas été préparé à la gestion de l’Etat. Sans grande expérience de gestion publique, il débarque et se propose de nous diriger. Le comble, c’est que toute la machine politique du pouvoir, les cadres, les ministres, les directeurs de sociétés d’Etat et deux grands partis politiques sont à son service pour atteindre son but. Et cela énerve.

Lire aussi : Bénin : Lionel Zinsou ne bouderait pas le fauteuil présidentiel

On a le sentiment que le prochain président est déjà désigné par des gens qui n’ont pourtant pas le droit de s’arroger le pouvoir populaire et que ce qui est en jeu c’est la formalisation de cette désignation dans de simulacres d’élections. On est bien en face depuis plusieurs mois à une bataille entre l’Etat et certains citoyens. En ce que Lionel Zinsou est comme un candidat officiel porté par le gouvernement et ses soutiens et de l’autre côté, il y a les autres candidats. En somme le match n’est pas équilibré dès le départ. Une preuve en est que les moyens de l’Etat sont utilisés allègrement pour faire campagne. Les critiques des opposants et des activistes de la société civile n’ont apparemment pas fait fléchir le Premier ministre. Son véhicule de fonction officielle fait partie du cortège de campagne électorale. En tous cas, au premier jour de la campagne électorale, la 4X4 fonction de Lionel Zinsou a été remarquée dans la colonne de véhicules qui l’accompagnait dans ses activités politiques même si le candidat était à bord d’une voiture privée. Qu’à cela ne tienne !

Et la supposée télécommande de la belle Elysée  ?

Je n’en ai aucune preuve, je ne saurais donc pas dire d’emblée que la France en est pour quelque chose dans la candidature de Lionel Zinsou. Et ceux qui le pensent n’en ont pas les preuves. Je ne les soutiens pas. Seulement, une chose crève les yeux et paraît bien curieuse. Boni Yayi n’a jamais été aussi régulier à Paris chez François Hollande depuis la nomination de Lionel Zinsou à la primature… Quelle coïncidence bien compromettante ? Lionel Zinsou a beau dire que la France ne le soutient pas, il aura du mal à se faire croire. Le pauvre !

Sa force, sa faiblesse

Lionel Zinsou se veut un candidat du consensus. C’est d’ailleurs pour cela qu’il aura tout fait pour rallier à sa candidature trois grandes formations politiques qui s’étaient toujours combattues du Bénin. Ici ont dit qu’il “a frappé un grand coup”. Cependant, est-ce rassurant ? En cas de victoire, comment gérer les différents acteurs de la conquête du pouvoir ? S’en séparer et appliquer sa politique ? Ce serait un risque et malhonnête même car manifestement Lionel Zinsou ne peut rien sans les autres. Or il est démontré au Bénin que les présidents commencent par échouer dès qu’ils écartent les soutiens qui les ont porté au pouvoir. Malheureusement ou heureusement, Lionel Zinsou est porté par une coalition politique qui s’étend de jour en jour. Un signe d’adhésion populaire ? Je ne crois pas, je crains plutôt une ruée vers l’or.

En plus aujourd’hui, une partie de l’opinion béninoise croit que les carrottes sont cuites. L’élection présidentielle se prépare dans des conditions peu rassurantes. Certains y voient une pré-médidation. Les cartes d’électeur ne sont pas toutes apprêtées et on a dû reporter le srcutin initialement prévu pour le 28 février au 6 mars. Alors que les cartes n’étaient pas prêtes et distribuées, le responsable de l’institution chargée de cette tâche (Augustin Ahouanvoébla, député du Parti du renouveau démocratique qui soutient Lionel Zinsou) a pu déclarer à la télévision, que Lionel Zinsou devrait gagner dès le premier tour. Scandaleux, ont trouvé ces propos de nombreux observateurs. Pour d’autres, ce n’est qu’un aveu d’un plan préparé pour faire passer Lionel Zinsou par tous les moyens. Dans ces conditions, si effectivement Lionel Zinsou gagnait par un coup K.O. le pouvoir lui sera difficile à gérer. Ce n’est pas une malédiction, c’est une crainte justifiée.

« Il n’est pas si connu du public »

Lionel Zinsou, qui le connaît ? En tous cas pas moi, pas assez. Comme beaucoup d’autres Béninois. Même le secrétaire général du gouvernement l’a reconnu quand il annonçait en juin 2015 la nomination du Franco-Béninois au poste de Premier ministre. “Il [Lionel Zinsou] n’est pas si connu du public”, avait laissé entendre (par imprudence verbale) Alassani Tigri face au journaliste de la télévision publique qui avait réussi un coup ce soir-là. Le Béninois de la diasspora qu’est Lionel Zinsou est pourtant une chance pour ce pays. Sans vraie attache régionale parce qu’il a peu vécu au Bénin, il a l’avantage de ne pas être étiquetée comme le candidat d’une région précise dans un Bénin où le régionalisme est instrumentalisé par les politiques.

Le problème, c’est que Lionel Zinsou s’est révélé tard aux Béninois mais souhaite les diriger le plus tôt possible. Il s’agit-là certainement d’une volonté de servir son pays. Soit, mais je pense que nous gagnerions et lui-même y a intérêt, à accorder encore 5 ans à Lionel Zinsou pour faire ses preuves encore dans une fonction publique. Je serais le premier à lever le doigt pour appeler à voter pour Zinsou s’il se présente pour la première fois en 2021. Je pense qu’il aurait eu le temps de se préparer à la gestion du pouvoir. Cela dit mon commentaire ne choisit pas un président, seul le peuple béninois tranchera dans quelques jours.

Vincent Agué


Bio Tchané et Koupaki, deux cartésiens qui veulent faire la politique autrement au Bénin

A gauche, Abdoulaye Bio Tchané et à droite, Pascal Irénée Koupaki se présentent comme mon ticket présidentiel parfait pour changer le Bénin.
A gauche, Abdoulaye Bio Tchané et à droite, Pascal Irénée Koupaki se présentent comme mon ticket présidentiel parfait pour changer le Bénin.

Depuis le 19 février 2016, le Bénin est officiellement en campagne électorale pour la présidentielle du 6 mars prochain (ou par prudence, disons de 2016 parce qu’on n’est pas à l’abri d’un second report de la date). 33 candidats visent le fauteuil présidentiel que cédera le 6 avril le président sortant  après 10 ans de pouvoir. 33 candidats dont deux ont le profil idéal pour diriger mon pays.

Mon droit de participation au débat politique m’oblige à exprimer mes préférences dans le lot de candidatures. Mais pourquoi un journaliste doit-il se permettre d’exprimer un choix ? Parce que le journaliste est avant tout un citoyen libre de ses pensées. Quand il parle hors de son média employeur, on ne saurait lui reprocher de prendre position. Quelle est cette position ?

Le journaliste et citoyen béninois que je suis reconnaît à ses compatriotes candidats leur droit de candidature à la présidentielle. Mais la présidence étant pour un seul, je me dois d’opérer un choix. Parmi les 33 candidats ? Non, entre deux.

Abdoulaye Bio Tchané et Pascal Irénée Koupaki, le ticket de rêve

Voici deux cadres béninois, crédités de parcours similaires et surtout utiles à un présidentiable.

Abdoulaye Bio Tchané est connu pour avoir été notamment directeur Afrique du Fonds monétaire international, président de la Banque ouest-africaine de développement, ministre des Finances du Bénin…  Il brigue la magistrature suprême pour la deuxième fois après la tentative de 2011. Je trouve en lui une personne engagée pour son pays, prêt à servir, rassembleur  de tous les fils et filles du Bénin. D’ailleurs, l’unité nationale lui est chère chaque fois que je l’écoute. Autre chose et pas des moindres, c’est qu’il est téméraire, audacieux. Il fallait l’être pour oser se présenter contre son « frère » Boni Yayi du Nord en 2011. La rumeur dit qu’il aurait, il y a cinq ans, commis une erreur en se présentant à l’élection présidentielle alors que le président en exercice qui est de la même région que lui voulait rempiler. Les régionalistes auraient voulu qu’ABT n’affrontât pas Boni Yayi. Il l’a pourtant fait. Démontrant que sa volonté de servir son pays n’était pas négociable sur une table d’intérêts régionalistes. Ayant échoué, ABT se range dans l’opposition de façon constante. Il a pris une part active dans les marches citoyennes de fin 2014 à Cotonou pour réclamer l’organisation des élections locales et législatives. Lors de ces élections, son alliance politique, “l’Alliance pour un Bénin Triomphant” s’en sort avec deux députés. Deux élus qui se rangeront aussi dans le camp de l’opposition pour arracher la stratégique présidence de l’assemblée nationale. « Agir ensemble », tel est le maître mot d’ABT pour changer le Bénin.

Le défaut d’ABT (si c’est vraiment un), il se dit qu’il est idéaliste, trop rigoureux, cartésien… En termes clairs dans le langage béninois, il « ne sort pas l’argent ». Or pour gagner une élection au Bénin, cette donnée serait fondamentale car semble-t-il, le vote s’achète.

Le même « reproche » est fait à Pascal Irénée Koupaki (PIK). Lui, c’est le « dur », dit-on. On ne badine pas avec les principes chez PIK. Qui est-il ? Economiste-banquier, ancien fonctionnaire de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest , ancien directeur de cabinet du Premier ministre de Côte d’Ivoire, Alassane Ouattara, ancien directeur de cabinet du Premier ministre du Bénin, Adrien Houngbédji, et ancien Premier ministre du Bénin sous le régime sortant. Avant ce dernier poste, l’homme revenu au Bénin en 2006 avait occupé successivement les fonctions gouvernementales de ministre du Développement, de l’Economie et des Finances, ministre du Développement, de la Prospective et de la coordination de l’action gouvernementale. Soit en tout jusqu’à août 2013, une expérience gouvernementale de plus de 7 ans. Calme, pondéré, méthodique, Pascal Irénée Koupaki passe pour un intègre. L’on a même pu dire – et je l’ai pensé aussi – qu’il était la « caution morale » du système Yayi. C’est l’homme qui faisait autrement, les journalistes béninois lui reconnaissent une certaine qualité qui est plutôt une exception au Bénin : la ponctualité. Chez PIK en effet, l’heure, c’est l’heure parce que le temps c’est de l’argent. Il ne le perd donc pas. Peut-on alors s’attendre à ce qu’un tel homme « perde » son argent à acheter la conscience des électeurs ?

C’est à juste titre (inconcevable à mon avis) que l’opinion colle à PIK, son caractère « pingre » si l’on considère que l’argent est roi en politique au Bénin. Et c’est à juste titre que l’homme se propose de reformater le logiciel mental du béninois par une « Nouvelle Conscience », autrement dit PIK veut développer le Bénin par une restauration des valeurs. C’est ce qu’il prêche depuis sa sortie inattendue du gouvernement à la faveur d’une inédite dissolution de son équipe par le président Boni Yayi en août 2013.

Autre trait de ressemblance entre ABT et PIK, le peu de « soutiens » d’hommes politiques derrière eux. Ces deux cartésiens qui veulent faire la politique autrement n’ont pas le plus grand nombre de partis politiques, de députés ou d’élus locaux qui portent leurs candidatures. Quand on sait les partis politiques marchandent le plus souvent leur soutien contre de l’argent, on n’est pas étonné de voir ABT et PIK se contenter de leurs équipes de cadres et amis. Mais le peuple, je l’espère, saura faire le meilleur choix.

Voilà pour la présentation de mes deux meilleurs candidats dans le lot des 33 qui lorgnent le palais de la Marina. Il serait insensé de ma part de me limiter à cette présentation sans faire le pas décisif, celui du choix. Je l’avoue, entre ces deux, il est plus facile de se retenir de faire un choix que de l’opérer. Je le ferai, et vous le saurez…

 

Vincent Agué


Bénin : « Soutien », la poule aux oeufs d’or des politiciens à l’occasion de la présidentielle

Meeting de soutien à un candidat dans un arrondissement près de Cotonou. (Image modififée)
Meeting de soutien à un candidat dans un arrondissement près de Cotonou. (Image modifiée)

Il paraît qu’il coûte des centaines de millions de francs Cfa, un soutien. J’ai bien dit « soutien », pas soutien-gorge hein ; cela s’entend non ? Même le soutien-gorge de la femme la plus riche de l’Afrique ou de la Première Dame de la République très très démocratique du Gondwana – je ne mentionne pas la Miss d’où que ce soit car les filles ont maintenant horreur du soutien-gorge paraît-il – ne coûterait pas une telle somme, n’est-ce pas ? Alors, ne faites de confusion.

De quoi s’agit-il plus sérieusement ?

Le Bénin s’apprête à élire le 28 février 2016 un nouveau président qui va succéder à Boni Yayi en fin de mandat. Ils sont officiellement 36 candidats – les plus sérieux sont moins nombreux que les plaisantins – à ne rêver que d’une chose : devenir président le 6 avril 2016. Et pour y arriver, il faut avoir des partisans – ce qui ne signifie pas qu’ils sont des électeurs – qui satisfassent leur orgueil, leur ego de candidat.

La valse des suscitations (d’aucuns diraient la filière des suscitations) est terminée. Elles consistaient pour des groupes d’individus à s’organiser et appeler un homme (le commanditaire de la suscitation) à se présenter à l’élection présidentielle, parfois sachant bien que ce dernier a déjà clairement affiché son ambition présidentielle. A cette occasion, des nouveaux acteurs politiques émergent et montent sur la scène comme s’ils entraient dans un moulin.

Lire aussi : Top 10 au Bénin : les célèbres formules des candidats à la présidentielle

Place maintenant aux soutiens

La campagne électorale n’est pas ouverte mais dans la réalité c’est comme si. Il n’y a qu’à suivre les médias au jour le jour pour constater que tout le pays est déjà sous l’emprise des propagandistes. Avant l’entrée en scène proprement dite des candidats, ce sont leurs lieutenants qui parcourent villes et campagnes pour déclarer soutien à leurs leaders respectifs. Chacun s’organise dans son terroir pour faire adhérer à la cause du candidat des groupes d’individus. A l’heure du rassemblement, un rendez-vous avec la presse en fait parce que sans le relais qu’en feront les médias il n’aura servi à rien et le candidat n’aura pas été séduit, le “président du comité d’organisation” délivre son discours ; il sera suivi par les représentants auto-proclamés des jeunes, des femmes, etc. Ne me demandez surtout pas si les messages écrits sont bien rendus ; on baragouine souvent un langage que seul le candidat est à même de déchiffrer. S’il arrive déjà à distinguer son nom, c’est que les lecteurs des messages sont assez bien instruits. Il n’est pas rare par exemple d’entendre dire “Léonel” en lieu et place de “Lionel”, du prénom du Premier ministre candidat du gouvernement à l’élection présidentielle.

Mais il y a aussi des cadres de l’administration publique, des directeurs généraux de sociétés d’Etat et d’autres fonctionnaires qui jouent les courtisans en allant déclarer leur soutien au candidat officiel, le candidat du parti au pouvoir. L’objectif est clair, il faut “faire un clin d’oeil”,  “des yeux doux” au candidat en pôle position pour qu’en cas de victoire, leurs postes soient sauvegardés ou qu’ils soient tout simplement promus. Généralement ces courtisans d’un nouveau genre ne sont même pas leaders d’opinion dans leurs quartiers.

Ce qui rend encore plus heureux les candidats, c’est de brandir les gros soutiens comme des trophées de guerre. Les grands mobilisateurs de foules sont courtisés par les candidats. Seuls les plus offrants parviennent à s’attacher les services de députés, élus communaux et locaux supposés populaires dans leurs circonscriptions électorales. A quel prix ? A coups de centaines de millions de francs Cfa, raconte-t-on. Une fois le “grand électeur” débauché, le candidat à l’enveloppe intarissable vit maintenant dans l’illusion d’une élection assurée, croyant tout bonnement que les populations sont des robots qui ne feront qu’exécuter la consigne de vote de leurs élus. Soit.

Le leader d’opinion acheté, lui aura fait une bonne affaire ; en bandit bienfaiteur, il jettera quelques jetons à ses militants pour les rassembler et déclarer le fameux soutien.

Mission accomplie pour lui si les reportages des télévisions mettent bien exergue l’entassement des foules qui ont répondu à l’appel argenté. Le candidat commanditaire en sera aussi satisfait, ignorant que la foule est différente de l’électorat.

Lire aussi >> [HUMOUR] Présidentielle Bénin 2016 : et le nom porte-bonheur est…

Le plus veinard des candidats peut aussi se permettre de faire le point des soutiens décrochés par ci par là. Si la carte de ses soutiens virtuels est large (à la taille du bulletin unique de vote, car ils sont 36 candidats quand même !), il décrète dès lors qu’il gagnera la présidentielle par K.O. En clair dès le premier tour. Depuis 2011 où l’actuel président a été réélu par un inédit Knock Out, ce terme est entré dans le vocabulaire politicien du Bénin…

Achat de conscience et chosification de l’électeur

La population se rassemble pour acclamer et faire des youyous en répétant des slogans ronflants pour prendre à la fin “l’argent gratuit” de la campagne électorale. Personne n’ignore plus au Bénin que les mêmes populations mobilisées pour un candidat un jour le seront le lendemain voire le même jour à une autre heure pour un autre candidat. Pour combien ? 2.000, 3.000, le maximum qui rend enthousiaste étant le billet de 5.000 fcfa. Mais les intermédiaires prennent leurs parts, du coup le “militant” ne recevra jamais la totalité de la somme pour laquelle il s’est déplacé, est resté sous le soleil pour inhaler la poussière et crié à en devenir aphone .

La presse, grand complice

Dans cette activité, un allié incontournable est sollicité : la presse. Les journalistes sont chargés de rendre compte des meetings et si possible d’en gonfler l’ampleur à la mesure des subsides qu’ils auront perçues et même s’il faut dans leurs papiers bafouer les règles du métier. Tenez, pour un rassemblement politique de moins d’une centaine de personnes en faveur de Tartempion candidat à l’élection présidentielle, ne soyez pas étonnés d’entendre le reporter de la radio ou de la télé ou encore celui d’un journal rendre compte en faisant une généralisation qui englobe toute la population de la localité où a eu lieu la manifestation politique. Sans oublier les qualificatifs dithyrambiques destinés à justifier le per diem (gombo, paquet, enveloppe, c’est-à-dire l’argent !) reçu qui truffent les titres et les commentaires des reportages. Et leur inspiration pour le vocabulaire de la com politique ne tarit point. Morceaux choisis :

Tchaourou (c’est le nom d’une ville) tombe dans l’escarcelle de X ; Parakou réaffirme son soutien indéfectible à Y ; Cotonou demeure la chasse gardée de Paul (aucun candidat ne s’appelle Paul) ; Le turbo de Tartempion avale la ville de ; Le train de Z gagne dix wagons (sans préciser le contenu des wagons !) ; La population de Calavi entièrement acquise à la cause de A ; Tout le département de … roule pour le candidat T;  Toute la vallée de l’Ouémé respire le nom de X candidat; Entre Cotonou et une telle candidate, c’est le “Je t’aime moi non plus” ; etc.

Après les déclarations de soutiens avec lesquelles les médias ne cessent de nous saouler, place bientôt à la campagne électorale officielle. Chacun prendra sa part de l’argent gratuit de campagne car beaucoup sont convaincus que les politiciens sont des richards. Alors on en profite pendant que c’est possible. Sinon après ce sera tard. Un artiste béninois a chanté : “Politiciens démagogues, quand est-ce que vous allez changer ? (…)” Ils ont un seul jour pour remercier les électeurs, le dimanche du scrutin et les autres jours de l’année pour les faire souffrir. Moi j’ai tout compris ! A bon entendeur, salut conscience citoyenne !

Vincent Agué


[HUMOUR] Présidentielle Bénin 2016 : et le nom porte-bonheur est…

JE SUIS CANDIDAT

Par Vincent Agué

Les candidats potentiels à l’élection présidentielle de 2016 au Bénin sont déjà une cinquantaine, si l’on en croit les réseaux sociaux, particulièrement animés par ce sujet. Nombreux et divers sont leurs noms, naturellement. Divers sont également leurs slogans, pseudos… Si l’élection présidentielle se jouait sur ces paramètres, qui l’emporterait ? Quels noms, slogans, pseudos, porteraient plus de chance que d’autres ? A quelques jours de l’ouverture du dépôt des dossiers de candidature, je les ai vus, de mon « troisième œil », débattre entre eux. Voici un compte-rendu des propos des uns et des autres.

Lire aussi : Top 10 au Bénin : les célèbres formules des candidats à la présidentielle

Patrice Talon

Je me sentirais honoré d’être Patrice, premier responsable de la PATRIE Bénin. J’agis déjà si bien à propos avec mes TALONnettes (de chaussures et de pantalons) dignes d’un président. J’ai déjà également dû tourner les TALONs pour m’exiler à Paris. A bien des égards, cela est un avantage car c’était sous le coup du TALONnement (acharnement) que je suis parti. Pour mes partisans, je mériterais bien d’être président. Mais, c’est peut être aussi mon TALON d’Achille, puisque pour mes adversaires, j’ai des casseroles, ce qui justifie qu’ils me TALONnent toujours et encore. De toutes les façons, je reste moi-même, je résiste car je suis un TALON (partie inamovible d’un carnet à souche, consultez vos dicos).

Pascal Irénée Koupaki alias PIK

Pour moi l’élection présidentielle de 2016 tombe à PIC(K). Je dois maintenant PIKER le pouvoir. Directeur de cabinet du Premier ministre Adrien Houngbédji, puis Premier ministre à mon tour, j’ai assez aiguisé mon PIC (instrument qui sert à creuser), tel un PIC (oiseau) au bec bien tranchant, pour PIKER avec précision en 2016 et remporter la victoire. Ce sera le PIC de ma carrière politique.  Mais, même si le palais présidentiel n’est pas un PIC (montagne au sommet pointu), s’y hisser n’est pas un challenge gagné d’avance. Un échec ne me surprendrait pas. Je pourrai toujours rebondir, car comme le dit en yoruba mon prénom caché, Mankandjou (ne te presse pas), je prends mon temps. 

Abdoulaye Bio Tchané, ABT

Je suis ABT, Abdoulaye Bio Tchané ; mais aussi président de l’Alliance pour un Bénin Triomphant, P-ABT donc. Je crois en mes chances de me voir appeler, dès avril 2016, président ABT, pour dire président du Bénin.

Eric Houndété

S’il était écrit que le prochain président du Bénin serait prénommé Eric, la question ne se pose plus. C’est moi. Si ce n’est pas Eric ce sera certainement quelqu’un d’autre. C’est qui LUI ? Bah  ça, ne cherchez pas loin ce que vous avez à portée de main, car je m’appelle aussi LOUIS. J’ai aussi un plan C. Si le prochain président ne devait pas s’appeler Eric ni LOUIS, il sera sans doute CAMILLE. Et lui CAMILLE, c’est encore moi. Demandez-moi de décliner mon identité complète et je vous répondrai Houndété Eric Louis Camille.

Sébastien Germain Ajavon

On ne gagne pas le pouvoir en un jour. Pour ma part, la fondation était posée il y a bien longtemps. Vous ne connaissez pas la Fondation ASG (Ajavon Sébastien Germain) ? Et ma fondation (comprendre au premier degré) est aussi ancrée dans le ventre des Béninois, à travers les poulets congelés que je leur vends.

Emmanuel Golou

« Dieu avec nous », voilà la signification du nom biblique Emmanuel. Les chrétiens le savent. Mes chers compatriotes béninois, je les sais très croyants. Les églises, mosquées, et couvents peuvent en témoigner. Emmanuel, Dieu avec eux désormais. Je suis là tout près d’eux. Ils me prendront comme chef de l’Etat.

Général Fernand Amoussou

En général on dit « Jamais deux sans trois ». Après Christophe Soglo et Mathieu Kérékou je serai le troisième général à diriger le Bénin.

Général Robert Gbian

Jamais deux sans trois, ça c’est vrai. Mais ce sera moi ce troisième cas pour confirmer la règle. Et voilà pourquoi : moi je me suis déjà essayé à la compétition électorale… pour devenir député et deuxième vice-président du Parlement. Alors, je suis plus expérimenté sur le terrain politique.

Lionel Zinsou

En plus d’être un Lion, le roi de la forêt, le seul candidat de taille (à tous les degrés) c’est moi. Si la présidence était logée sur une cime, mes presque deux mètres de taille seraient un avantage inouï. Avoir été Premier ministre et candidat de la coalition politique au pouvoir, ce sont sans doute d’autres avantages. Dauphin béni par mon président, je suis privilégié. Et quelle merveilleuse coïncidence que d’avoir un patronyme qui commence par Z, soit la lettre de l’alphabet que précède Y, l’initiale du président sortant Yayi Boni ! « Après Y, c’est Z donc après Yayi, ce sera Zinsou », crient mes partisans dans le pays. 

Mais Lionel rappelle un autre Lionel, dans un pays que je connais bien – la France – un Lionel d’un parti que je connais bien aussi : Lionel Jospin, candidat du parti socialiste français à l’élection présidentielle de 2002. Premier ministre au moment de l’élection, il avait échoué. Je veux bien croire que je ne connaîtrai pas le même sort. 

 


Ces filles “petites” qui font honte à la femme que j’aime

Deux jeunes filles dans le rôle d'hôtesses lors d'une opération de marketing à Cotonou. Attention : image retouchée
Deux jeunes filles dans le rôle d’hôtesses lors d’une opération de marketing à Cotonou. Attention : image retouchée

Dénoncer le vice, et vous lui fournissez le ferment pour s’enraciner. C’est vrai. Mais ce n’est pas une raison pour laisser passer le vice sans s’en émouvoir. Autrement l’on aurait trahi sa conscience et le regret d’après fait très mal. Je ne veux pas avoir à me mordre le doigt parce que je n’ai pas agi convenablement au temps opportun.

Que les filles et femmes qui liront ce texte me pardonnent. Je pense dire la vérité et l’on ne dit la vérité qu’à ceux qui sont chers à soi.  Très chères femmes, je vous adore trop pour ne pas vous dire la vérité.

C’est par un post sur Facebook que j’ai découvert le dernier clip de l’artiste camerounais Franko intitulé « Coller la petite ». Un texte posté par un écrivain béninois, Florent Couao-Zotti pour se désoler de son caractère obscène et dépravant. 

Franko: quand la vulgarité éclipse le talent.Depuis quelque temps, est diffusé sur Trace et ses différentes versions,…

Posté par Florent Couao-zotti sur vendredi 23 octobre 2015

Je disais que dénoncer le vice peut avoir l’effet contraire. La prise de position énergique de l’écrivain m’a poussé à aller vérifier les faits sur You Tube. C’était vrai : une chanson vulgaire qui déshonore la femme. Les qualificatifs me manquent pour décrire l’horreur que je me suis forcé d’écouter et de regarder. J’ai arrêté la lecture de la vidéo avant sa fin juste après ces paroles du « colleur » : « ici tout le monde est fou ». A ces mots, j’ai poussé un ouf de soulagement. Il faut en effet être fou pour se permettre l’audace d’exécuter sans retenue des gestes peu pudiques non pas en à huis clos, mais dans un clip à diffuser à travers le monde et pour la postérité.  

Mais que nous arrive-t-il ? Pourquoi des femmes acceptent-elles satisfaire l’orgueil et le plaisir d’hommes « fous » au point de passer pour des choses, des objets maniables à volonté ? Pourquoi des femmes s’accommodent-elles sans gêne de ce terme dévalorisant de « petite » ? Ou bien est-ce moi qui suis fou ? Parce que le monde ces temps-ci marche sur la tête ? Je serais tenté de répondre par l’affirmative tant il semble que le mal est désormais ancré au titre de valeur dans l’opinion. Mais il faut oser essayer de  redorer les couleurs des moeurs de notre blason sociétal autant que se peut. Je félicite ici ce préfet camerounais qui a pris sur lui la responsabilité d’interdire la diffusion de la chanson de Franko. Mais j’ai bien peur que cela ait un effet contraire. Rappelez-vous : lutter contre le vice peut le développer.  


  Au Bénin aussi, c’est pareil 

Au Bénin aussi de nombreux clips d’artistes se révèlent plutôt être d’extravagants tableaux révélant leur malsain art de transgresser les mœurs. Et toujours avec les femmes danseuses au mauvais rôle. Décidément. Mais c’est ça qui passe en boucle sur les chaînes de télévision. Parce que, dit-on, « les gens aiment ça ». Pourtant, le goût de la foule est très souvent un indice du pire.   

En marketing c’est encore pire. Pour faire passer un produit, les femmes vous garantissent leurs services. Ce qui est bizarre, c’est que ce sont souvent des femmes responsables de la communication, du marketing qui orientent les actions de leurs « sœurs ». Elles connaissent le code, elles savent que l’exhibition des parties sensuelles, ça fait gonfler les chiffres d’affaires. Quelle honte !

Autre chose, ces « filles pots de fleurs ». Elles sont souvent recrutées pour être plantées lors de manifestations publiques où elles servent à donner de la couleur au décor. Ce sont en terme correct des « hôtesses ». Mais en réalité celles dont je parle  ne font rien d’une hôtesse normalement chargée d’accueillir, d’informer, de guider une personne, un groupe de personnes lors d’un événement.  J’ai pitié d’elles. Une fois j’en ai aperçu lors d’un événement à Cotonou, une qui, visiblement fatiguée et sans doute ennuyée, somnolait. A un moment donné, n’en pouvant plus, elle s’est simplement adossée au mur, les bras croisés, pour tirer un bon coup de sommeil. La pauvre !

Si on peut imputer au chômage, à la mauvaise éducation… et à bien d’autres raisons indépendantes de leur volonté, ces dérives de filles chosifiées, il faut aussi marteler que certaines sont responsables de ce qui leur arrive. Si une fille ne s’accorde pas une certaine dignité, ne se respecte pas, ne veut pas travailler, mais veut gagner l’argent facilement, qu’elle compte sur la petitesse d’esprit de certains hommes et la bassesse de certaines de ses aînées pour se faire humilier ; elle a toutes les chances de se retrouver à la merci de ceux qui détiennent le jeton.

Je m’en voudrais de finir sans rendre hommage aux braves femmes, celles qui ne chantent pas l’émancipation mais qui se l’approprient et osent pour réaliser leurs désirs.

 

Vincent Agué


Bénin : les écoles publiques en grève 4 jours sur 5 dans l’indifférence totale

 

Ce petit garçon qui fait ses premiers pas à l'école à droit à une éducation de qualité
Ce petit garçon qui fait ses premiers pas à l’école à droit à une éducation de qualité. Photo : V. Ague

L’école béninoise renoue avec les vieux démons. Quelques semaines après la rentrée scolaire, le 5 octobre 2015, la voilà plongée dans la détresse. Le 22 octobre, les syndicats de l’enseignement ont déclenché une grève pour réclamer notamment l’adoption de leurs statuts particuliers. Ces statuts devraient améliorer les salaires des instituteurs et des professeurs des collèges et lycées. Le gouvernement a consenti à leur reconnaître ces statuts depuis le premier trimestre 2015 et ils devaient en principe être signés avant la rentrée scolaire. En novembre 2015, les décrets d’adoption des fameux statuts ne sont pas encore pris. De quoi sortir les enseignants de leurs gonds.

D’une grève d’avertissement de deux jours, les enseignants sont  passés à trois jours d’arrêt de travail. Cet endurcissement a sans doute convaincu le gouvernement de convoquer un dialogue social qui a finalement mis les deux parties d’accord : le contenu des statuts est acquis et ils seront signés. Mais quand ? Seul le détenteur de la précieuse mine d’encre peut situer l’opinion. Il paraît que c’est le président de la République qui apposera sa signature sur les documents. Mais lui il s’est envolé pour Paris pour la préparation de la COP21 avant de rejoindre La Valette pour un sommet sur l’immigration. Ignorant que l’une des causes de l’immigration des jeunes Africains vers l’eldorado européen c’est la quête d’une meilleure vie. Et une meilleure vie pour la jeunesse, c’est à travers l’école qu’elle se prépare.

Les enseignants impatients, décident de radicaliser leur mouvement de grève. Pour mettre la pression maximale sur le gouvernement, ils passent à quatre jours de grève sur cinq. Les écoliers, élèves et lycéens des établissements scolaires publics ont donc rendez-vous avec leurs enseignants une fois par semaine, le lundi, et les autres jours ils sont laissés à eux-mêmes. Pas sûr que même ce seul jour de classe serve à quelque chose. Il est connu de tous au Bénin que les écoles et collèges publics mettent souvent des semaines à démarrer réellement les cours après la reprise des classes. C’est dans ces conditions, qu’une grève de quatre jours sur cinq intervient alors que des classes sont encore sans enseignants par endroit.

L’école publique en lambeaux

Quel péché l’école publique et les parents d’élèves moins nantis ont-ils commis pour mériter un tel traitement ? Qui est coupable du sort réservé à l’école publique ? Les enseignants ? Le gouvernement ? Ou les deux ? Disons les deux mais à des degrés divers, le gouvernement endossant la plus grande responsabilité. Parce qu’il lui revient de donner les moyens au personnel enseignant. Ce dernier met la pression depuis des mois. Il a menacé à plusieurs reprises avant que la procédure d’élaboration des statuts ne s’ébranle. Le gouvernement lui ne se décide que quand il est acculé de toutes parts. Il ne gère que les urgences. Une fois, un syndicaliste regrettait que le cadre formel de dialogue social n’ait jamais été convoqué en session ordinaire pour planifier quoi que ce soit. Le comité permanent de dialogue social s’est toujours réuni en catastrophe, dans la précipitation pour statuer sur une crise déjà en cours. Les syndicalistes ont alors compris qu’il faut atteindre le seuil de l’intolérable pour se faire entendre. C’est pourquoi ils poussent le bouchon très loin. Au grand dam des élèves et de leurs parents. 

Avec un système éducatif décadent qui produit de mauvais résultats aux examens nationaux (30,16 % au Bepc et 34 % au Baccalauréat 2015), il faut craindre que la grève méchante en cours ne conduise à de bien pires rendements scolaires. Surtout dans l’enseignement public.

L’école publique n’a pas bonne réputation au Bénin depuis quelques années. Régulièrement paralysée par des grèves, elle a fini par perdre son rang. Le privé l’a détrônée. Ici les cours démarrent le premier jour de l’année scolaire et il n’y a pas de grève.

Plus d’un mois après la rentrée scolaire, des écoles privées vont sans doute accueillir encore des élèves. A cause de la grève en cours,  des parents soucieux de l’avenir de leurs enfants n’hésiteront pas à « libérer » leurs progénitures du piège que constitue l’école publique pour les inscrire dans les établissements privés. Et les parents qui ne comptent que sur “l’école de l’Etat” vont eux prendre leur mal en patience et espérer, comme on le dit chez nous, que Dieu fasse son miracle. Ils auront beau se plaindre, il ne se trouvera personne pour écouter leurs légitimes lamentations. Car sous nos cieux, la question de l’éducation ne mérite pas un rang de priorité.

Depuis que la grève a commencé, les hommes politiques du Bénin n’ont pipé mot sur la crise. Ce qui les préoccupe, c’est comment ne pas rater leur gâteau des opportunités électorales liés à la présidentielle de 2016. Jamais ici l’on ne lève la voix pour opiner sur les réformes de l’école. Pourtant, c’est le socle du développement. Les grandes nations l’ont compris et investissent pleinement dans l’éducation. C’est à l’école qu’on forme l’esprit du jeune enfant, adolescent, adulte… de manière à l’aider à comprendre sa mission pour le développement de son pays. Si l’éducation est bâclée, le développement ne se fera pas par une tour de magie.

Mais il semble que la classe dirigeante n’en est pas consciente. En tous cas, elle ne fait montre d’un engagement sur ce plan. Et cela s’explique : les autorités ont rarement leurs enfants dans les établissements publics. Elles rendent l’école publique peu performante et ont l’intelligence d’inscrire leurs enfants dans les établissements privés. D’autres choisissent l’école française installée à Cotonou  comme s’ils étaient Français. Là, le succès est garanti contre de colossaux frais de scolarité. Les enfants d’autorités béninoises formés à l’école française ont sans doute – le chemin leur est préparé pour – la chance de subir une formation de qualité débouchant sur des formations universitaires de pointe. Et après, ils reviendront en remplacement de leurs parents, diriger le Bénin. En somme, les autorités elles ne perdent pas quand l’école publique est en grève. Puisqu’elles ne ressentent pas directement la crise.

Mais ce qu’on oublie c’est qu’un peuple mal éduqué est difficile à diriger. Si les futurs dirigeants sont mieux formés que ceux qu’ils vont diriger, ils n’auront pas la tâche facile.

A l’heure où les universités publiques tamisent par des critères d’excellence l’accès des nouveaux bacheliers aux études supérieures, rester sourd à la mort de l’enseignement de base est criminel.

“Ouvrez les écoles, vous fermerez des prisons”, a écrit l’écrivain français Victor Hugo. Que comprendre au cas contraire, si les écoles sont fermées ? Eh bien que les portes de tous les vices sont ouvertes. On peut bien imaginer toutes les choses inutiles auxquelles s’adonnent les élèves et écoliers pendant les quatre jours de grève. 

Sauvons donc l’école béninoise déjà malade du manque de moyens – certaines “classes” sont installées à l’ombre d’un fromager ! – du cycle infernal des grèves.

Vincent Agué

 


Bénin : Lionel Zinsou ne bouderait pas le fauteuil présidentiel

Lionel Zinsou cache mal son ambition de briguer la magistrature suprême du Bénin
Lionel Zinsou cache mal son ambition de briguer la magistrature suprême du Bénin

A la grande surprise de tous, il devenait le numéro 2 du gouvernement à la faveur du remaniement ministériel du 18 juin 2015. Lionel Zinsou nommé Premier ministre de Boni Yayi, c’était pour l’opinion la présentation du  « dauphin », celui qui succéderait en avril 2016 à l’actuel président.

Ce banquier d’affaires plus français que béninois – n’en déplaise à lui-même qui se plaît à démontrer sa maîtrise de « son » pays – une fois dans ses fonctions s’efforce de « s’acclimater » pour « se faire accepter » par les Béninois qui lui reprochent d’avoir été parachuté sur une terre qu’il ne connaît pas. Dans l’expression, le « notre pays » est fréquent dans ses prises de parole, sur le plan vestimentaire, le Premier ministre affectionne les tenues locales tel le « agbada » avec son couvre-chef… C’était les premiers pas pour poser les jalons de son projet politique, est-on tenté de dire maintenant qu’il a fait un bond géant…

Lors de son entretien télévisé du 2 novembre 2015, durant  52 minutes, le Premier ministre qui n’a pas manqué de souligner son appartenance à la mouvance présidentielle a laissé entendre qu’il est intéressé par la bataille de la succession à la tête de l’Etat… Et encore plus, qu’i se sentirait bien dans la position de candidat de Boni Yayi.

Bien sûr, le Premier ministre assume le bilan de Boni Yayi.Tant sur le plan positif qu’il vante, que sur le plan négatif qu’il ne reconnaît pas ou qu’il justifie dans certains cas. Et pourtant les points négatifs sont bien présents. Concernant le fameux concours de recrutement à polémique, Lionel Zinou n’a pas trouvé mieux à dire qu’il « ne menace pas la paix ». Et de remonter plus en arrière et affirmer que depuis son enfance, les concours ont toujours posé problème dans notre pays ». Que comprendre ? Yayi et le gouvernement ne détiennent pas l’apanage des concours frauduleux ? Mieux, alors qu’il s’élevait contre le régionalisme, il tentait de justifier le choix du gouvernement, dénoncé par les magistrats, de faire organiser le concours de la magistrature selon un quota régionaliste.

« Je ne serai pas candidat dans la dissension »

Parce que le « consensus est une des valeurs fondamentales » de « notre pays », le Premier ministre refuse d’être candidat à la présidentielle de 2016 dans la « dissension ». C’est la confirmation de la  méfiance que certains journaux ont rapportée ce lundi matin et attribuée à certains leaders FCBE qui n’accepteraient pas la candidature de Lionel Zinsou comme l’aurait proposé Boni Yayi à sa famille politique. Mais alors, Monsieur le Premier ministre ferait quoi en cas de consensus ? Eh bien, c’est clair, à cette condition il sera candidat ! Ceux qui doutaient de cela et refusaient de se faire cette idée sont maintenant avertis. Si Boni Yayi ne l’a pas encore désigné pour lui succéder, j’en doute fort, le discours de Lionel Zinsou est comme un appel pour…

Le Premier ministre veut même ressembler à son président. Lionel Zinsou appelle à admirer comment le consensus a permis l’élection de Boni Yayi en 2006 alors que ce dernier était un parfait inconnu de la scène politique béninoise. Lionel Zinsou fera-t-il pareil en 2016 ? On dirait que le Premier ministre de Boni Yayi veut croire en son destin. Il recommande la lecture du « Coup du 3e larron » signé Comlan Cyr Davodoun après que Boni Yayi a ravi le pouvoir aux vieux dinosaures en 2006.

Il n’y avait pas que cela dans le discours du Premier ministre pour ressembler à un bon « yayiste ». Lionel Zinsou a aussi parlé de l’argent. Du « pouvoir de l’argent » comme le dit si bien souvent Boni Yayi. Dénonçant l’achat de conscience, Lionel Zinsou soutient que « l’argent ne fait pas le chef dans notre tradition ». Si un camp est foncièrement contre la candidature des hommes d’affaires et singulièrement de Patrice Talon à l’élection de 2016, c’est bien les FCBE. Celui qui parlait de l’argent comme un « cynique » instrument en politique fait sans doute un pied de nez aux opérateurs économiques qui lorgnent le fauteuil présidentiel, des opérateurs économiques présentés comme des favoris de l’élection de 2016.

Chantre de l’unité nationale

Quand on n’est qu’économiste, il faut avoir arboré le manteau de politique pour parler de paix, unité nationale, cohésion nationale… Le thème de l’entretien en disait long déjà sur l’ambition désormais peu dissimulée de Lionel Zinsou. Quand un spécialiste de macroéconomie et des chiffres parle de ce qui n’est pas sa tasse de thé, c’est qu’il a changé. Lionel Zinsou est bien devenu un politique. Et un politique à quelques mois de la présidentielle, ça n’a pas d’autre ambition que de se jeter dans la compétition électorale.

Pour montrer qu’il connaît bien le Bénin, Lionel Zinsou fait un retour en arrière pour rappeler que son oncle, l’ancien président Emile Derlin Zinsou, était plutôt populaire dans le nord du Bénin alors que dans les années 1960, le Dahomey vivait fortement le clivage Nord-Sud. Plus encore, selon le premier ministre, son grand-père, le père d’Emile Derlin Zinsou était instituteur et avait « construit des écoles » dans le nord en milieu bariba. Il n’y a pas meilleur exemple pour dissuader les réticents, encore attachés au vote régionaliste.

Ce 2 novembre 2015, Lionel Zinsou est définitivement devenu un homme politique béninois. En 2016, il faudra compter avec lui.


Top 10 au Bénin : les célèbres formules des candidats à la présidentielle

JE SUIS CANDIDAT

En février 2016, les Béninois iront aux urnes pour choisir un nouveau président de la République qui succédera à Thomas Boni Yayi qui aura bouclé 10 ans de pouvoir exercé en deux mandats de 5 ans chacun. A moins de six mois de la tenue du scrutin, c’est la valse des déclarations de candidature, des déclarations presque similaires dans leurs formes et fonds.

On dirait que tous ont assisté à une répétition, ces candidats déclarés à la présidentielle 2016. De la cinquantaine annoncée, certains ont déjà brisé le silence en attendant l’ouverture du dépôt des candidatures par la Commission électorale. Ils ont dévoilé leurs intentions devant micros et caméras de la presse. Dans l’ensemble, une certaine constance remarquée : des expressions “copiées collées” empruntées à … On ne saurait remonter à une époque pour trouver leurs auteurs. Mais ce n’est pas cela qui nous intéresse. Que disent nos chers présidentiables pour déclarer leur candidature ? Comment le font-ils ? Morceaux choisis de quelques expressions.

  • “Je connais le Bénin”

Ils prétendent tous mieux connaître le Bénin que tout autre Béninois. La formule a son intérêt depuis qu’on a reproché à Boni Yayi, président depuis 2006 de ne pas assez connaître son pays avant d’en prendre les rênes. Alors, les prétendants à la Marina (du nom du palais de la présidence au Bénin), mettent en avant “leur” bonne connaissance supposée ou réelle comme un atout pour bien diriger.

Si on peut mettre au crédit des Béninois résidant au pays une certaine connaissance du terroir, que dire par contre de ces candidats ne font que s’informer des nouvelles du pays, parce que vivant à l’étranger ? En tous cas, le code électoral n’a pas fait de la résidence sur le territoire une condition sine qua non pour postuler à la présidence du Bénin. Il suffit juste selon la loi électorale de résider au Bénin au moment des élections (art. 336 du code électoral).

On n’est pas donc surpris d’entendre des déclarations de candidature hors du pays par des Béninois de la diaspora. Eux peuvent en plus s’enorgueillir d’autre chose : la prétendue maîtrise du système international.

  • “Le peuple m’appelle”

Les candidats à la présidentielle qui se déclarent doivent avoir une ligne verte pour se faire joindre par les citoyens. C’est terrible, tous disent que le peuple les réclame pour prendre la tête du Bénin. Comment se font ces appels ? Nous reconnaissons l’impossibilité de démontrer qu’il existe d’autres canaux pour les appeler à se porter candidats. Contentons nous de relever les mouvements, associations, groupements, fans club… aussi nombreux qu’il y a d’ambitions, qui se constituent pour soutenir, susciter, parfois exiger que tel ou tel soit candidat. Le Bénin en compte à foison aux heures actuelles.

Ces mouvements constitués on ne sait quand et comment sont déjà sur le terrain pour faire la politique à travers la presse et les réseaux sociaux. Selon certains observateurs, en réalité ce sont les candidats eux-mêmes qui sont bien souvent initiateurs et financiers surtout des appels à leur candidature. Alors, leur peuple les appelle-t-il ou plutôt ils se font appeler par ce peuple ?

  • “J’ai une carte de visite impressionnante”

Même les candidats déclarés qui ont toujours résidé au Bénin prétendent avoir une certaine notoriété au plan international. En effet, l’on pense que maîtriser les institutions internationales, ou des pays occidentaux est un facteur de mobilisation de ressources pour développer son pays. Soit.

Mais aussi, ceux qui le disent le font juste pour donner l’impression qu’ils sont soutenus par des “bailleurs”. Comme s’il était question de postuler à un poste à l’international ! Dans ce jeu, les candidats domiciliés au Bénin et ceux qui viennent d’autres cieux rivalisent. Les seconds ayant a priori plus davantage. Même si “a beau mentir qui vient de loin !”

  • “Je serai différent des autres”

Il faut en effet montrer à tout prix qu’on fera mieux les autres, qu’on est le meilleur, qu’on a autre chose à vendre. Voilà pourquoi des slogans traduisant la différence sont légion : rupture, gouverner autrement, nouvelle conscience, innovation, nouveauté, Bénin nouveau, réformation, nouvelle éthique…

Le peuple ayant effectivement besoin d’une meilleure gouvernance, les candidats ne manquent pas de flair pour mettre au point ces genres de slogans. En 2006, “le changement” d’un certain Boni Yayi avait fait mouche. Le changement a-t-il eu lieu ? Là est un autre débat. Chers candidats, à vos dictionnaires, prêts ? Fouillez ! Pour trouver des synonymes du terme changement.

  • “Je m’occuperai du panier de la ménagère”

“Le panier de la ménagère est vide”, “les Béninois ne mangent pas à leur faim” sont quelques expressions qui signifient que la vie est chère surtout pour les personnes à revenus moyens. Ces personnes étant plus nombreuses que les nantis qui se ravitaillent au supermarché, les candidats à la présidentielle peuvent s’engager à remplir leurs paniers. Le dire devrait convaincre la masse moins nantie mais nombreuse, donc une grande réserve de suffrages.

  • “La jeunesse sera ma priorité”

Qui est ami des jeunes a le plus grand électorat. Les candidats à la présidentielle le savent. Et ils veulent en profiter. Naturellement et instinctivement ils déclarent leur amour pour la “jeunesse fer de lance du développement”. Les candidats à l’élection de 2016 promettent déjà des emplois, des fonds ou des banques spéciales pour l’entrepreneuriat, des formations professionnelles dans de meilleures conditions… Rappel important : en 2011, un candidat avait promis un ordinateur à chaque étudiant s’il était élu chef de l’Etat. Il n’a pas gagné l’élection. Les centaines de milliers de jeunes étudiants n’ont-ils pas été séduits ?

  • “Je vais lutter contre la corruption”

Il est encore attendu, l’oiseau rare qui mettra un terme à la corruption et la mal gouvernance au Bénin. Les détournements et prévarications de deniers publics communs à tous les régimes qui se sont succédé à la tête du Bénin ne semblent pas finir. Or les Béninois veulent une meilleure gestion de l’argent public. Bienvenue alors à qui donnera sa bonne foi pour lutter contre la corruption. Tous les candidats s’engagent à assainir les finances. L’un deux, vivant à Lyon en France a par exemple promis sur une radio panafricaine de faire édicter une loi qui criminalise la corruption… A chacun sa trouvaille donc !

  • “Je mettrai les Béninois au travail”

Ils pensent et disent que leurs concitoyens ne travaillent pas assez. Alors, les prétendants aux fonctions de président de la République se proposent de (re)mettre les Béninois au travail.

  • “Je renforcerai l’unité nationale”

Un Etat cousu de toutes pièces par le colon, un état sans passé commun a besoin de construire un savoir-vivre et vouloir-vivre ensemble. Le Bénin veut être une nation. Où du nord au sud, de l’est à l’ouest, les citoyens se sentent à part entière du Bénin malgré les différences. Les politiques jouent sur cette quête et promettent d’œuvrer à la cohésion nationale.

Même les plus chauvins, régionalistes, intolérants en font un programme politique. Alors même qu’on peut bien imaginer les discours haineux à l’égard d’autres groupes ethniques qu’ils professent une fois dans leurs milieux d’origines. Il me plaît de mentionner ici ce candidat qui a réservé la primeur de sa candidature à ses frères (comprenez les gens de son groupe ethnique). Face à eux, l’homme déclare tout fièrement qu’il est tant qu’un musulman soit élu président du Bénin. Comme si l’élection avait lieu à la Mecque.

  • “Notre démocratie chèrement acquise”

La démocratie béninoise est un bien précieux au Bénin, elle appartient à tous les citoyens. Tous les Béninois peuvent alors s’attribuer les luttes qui ont conduit à l’instauration de la démocratie à la faveur de la Conférence nationale de février 1990. Vieux, jeunes, moins jeunes, chantent au pays : “notre démocratie chèrement acquise de hautes luttes”.

Je me surprends parfois à écrire l’expression et m’inclure dans le “nous” comme si j’avais été de la bataille d’avant 1990 contre la dictature militaro-marxiste du général Kérékou. Si le jeune d’un quart de siècle d’âge que je suis peut parler de “notre démocratie”, à plus forte raison les candidats à la présidentielle 2016. Eux sont censés avoir au moins 40 ans et avoir vécu les événements de 1990. A juste titre (parfois par abus ou suivisme), ils diront qu’ils vont défendre “notre démocratie chèrement acquise”.

  • (Ultime formule naturelle) : “Pour toutes ses raisons, je suis candidat”

Le Bénin doit faire exception en la matière. Chez moi, il est rare de voir des personnes se faire investir pour défendre les couleurs d’un parti ou alliance de partis politiques à l’élection présidentielle. On est plutôt habitué à voir des anonymes sortis d’on se sait où pour se révéler devant les médias, seuls sans staff, et déclarer qu’ils sont candidats à la présidence de la République. Comme un homme qui se présente devant une femme et à peine s’est-il présenté qu’il propose déjà le mariage pour une échéance très proche.

Malheureusement, il n’existe pas une manière d’évaluer le degré de vérité contenu dans les paroles des candidats à la présidentielle de 2016 au Bénin. Le dernier mot revient à l’électeur seul devant sa conscience, dans l’isoloir le jour du vote, pour faire son choix. Un choix qui remettra au nouveau président majoritairement désigné la vraie clé, non pas passe-partout celle-là, pour accéder au palais de la Marina.

 

 


[Ironie] Burkina Faso : Le Général Gilbert Diendéré, « Prix Nobel de la paix » ?

Le Général Gilbert Diendéré doit répondre devant la justice
Le Général Gilbert Diendéré doit répondre devant la justice

C’est la saison des prix Nobel. Ce vendredi 9 octobre est attribué celui prestigieux de la paix. Très loin d’Oslo où il est remis, mon troisième œil a vu le Général Gilbert Diendéré, “ancien président du Burkina Faso” (dans sa tête) se faire remettre le Prix Nobel de la paix bien avant la remise officielle que le commun des mortels a vue.

Le Général Gilbert Diendéré aura eu un mérite au Burkina Faso : celui d’ouvrir les yeux aux dirigeants de la Transition afin qu’ils se rendent compte que certains hommes et femmes constituent des gènes de troubles à la paix dans ce pays. En effet, le coup d’Etat du 17 septembre 2015 que l’ancien patron du Régiment de sécurité présidentielle a dirigé a permis, même si c’est dans la douleur, d’identifier les vestiges du régime Compaoré qui voulaient encore torpiller le processus de renaissance du Burkina Faso après la chute de l’ancien président Blaise Compaoré. Ce que la transition traînait les pas à faire depuis un an, le Général Gilbert Diendéré l’a précipité en quelques jours.

Il fallu le putsch du RSP (Régiment de sécurité présidentielle), pour que celui-ci devienne successivement RIP (Régiment d’INSECURITE présidentielle) parce qu’il a quand même mis en danger la vie du président de Transition Michel Kafando, puis RIP (Rest in peace, ‘Repose en paix’). Et oui, le coup d’Etat du 17 septembre 2015 était le coup de trop de la garde prétorienne de Compaoré qui a finalement décidé les autorités de la Transition à le dissoudre. Ainsi, une grande menace à la sécurité au Faso a été anéantie. Les autorités n’ont-elles pas parlé de l’ex-RSP comme un groupe terroriste ?

Il a aussi fallu que le Général Gilbert Diendéré fusille en quelques secondes les institutions de la Transition pour que les Burkinabé se résolvent à enfin faire le procès du régime Compaoré. Après avoir chassé du pouvoir en octobre 2014 l’ancien président Blaise Compaoré, le peuple burkinabé n’avait pas versé dans la chasse aux sorcières en traquant ses anciens collaborateurs, soutiens et suppôts. Mais le coup d’Etat de l’éphémère Conseil national pour la démocratie, a convaincu les autorités du Burkina Faso et la justice en particulier qu’il fallait maintenant faire les comptes. C’est ainsi que Djibril Bassolé, ancien ministre des Affaires étrangères sous Compaoré et naturellement mon Général Diendéré seront inculpés d’ «attentat à la sûreté de l’Etat». Certes pour s’expliquer à propos du putsch de septembre 2015, mais au fond ils pourraient être amenés à se prononcer sur les pages sombres des 27 ans du régime Compaoré.

En fait, un procès Diendéré ou Bassolé ne sera ni plus ni moins que celui du système Compaoré. Les deux personnalités ont vu appris le gel de leurs avoirs, et celui de treize autres personnes présumées complices du coup d’Etat du 17 septembre. Parmi elles, Eddie Komboigo et Léonce Koné, président et vice-président du parti de Blaise Compaoré, le Congrès pour la démocratie et le progrès. En tout ce sont quatre partis politiques proches de l’ancien président qui ont vu geler leurs avoirs par la justice. Ils doivent avoir une dent contre le Général putschiste. C’est lui qui fait qu’on leur coupe le blé. Quant au peuple burkinabé, il doit remercier le Général Gilbert Diendéré d’avoir, par son coup d’Etat avorté, révélé au grand jour les ennemis de la paix.

Oui, le Général putschiste a par son coup sorti le matériel nécessaire à la chirurgie du système Compaoré. Grâce à lui, le nouveau Burkina Faso naîtra, débarrassé des anomalies qui l’ont rongé un quart de siècle auparavant. C’est pourquoi, le Général mérite bien qu’on lui donne le Prix Nobel de la Paix.