Vincent AGUE

Burkina Faso : pourquoi le général «justicier» Gilbert Diendéré peine à justifier son putsch

Le Général Gilbert Diendéré
Le général Gilbert Diendéré

Le général auteur du coup d’Etat militaire du 17 septembre 2015 au Burkina Faso, un homme sorti tout droit des décombres du régime Compaoré, qui met du temps à s’estomper, prétend avoir agi en faveur de la restauration de la démocratie inclusive. Dans ses prises de parole sur les médias, en conférences de presse, communiqués et interviews, Gilbert Diendéré clame sa bonne foi, son amour pour son pays en freinant net une transition qui à ses yeux n’était pas assez transparente. Soit. Mais la répétition dans ses propos des mêmes arguments convertis en des expressions similaires d’un entretien à un autre ne suffit toujours pas à convaincre de la justesse de son action antidémocratique. En effet le coup d’Etat de l’ancien chef d’état-major particulier de Blaise Compaoré est intervenu dans des circonstances qui interpellent. A l’analyse, ces circonstances laissent penser que le putschiste était motivé par d’autres raisons qu’heureusement la raison n’ignore pas.

Les archives écrites à l’encre rouge sang de la période Compaoré renseignent que le général était un maître à penser du système de répression des opposants qui a duré 27 ans de 1987 à 2014. Entre autres dossiers emblématiques, l’assassinat de Thomas Sankara et celui du journaliste Norbert Zongo. Coïncidence, le 17 septembre jour du coup d’Etat, la justice remise en route sur le dossier Sankara, devait prendre connaissance des rapports d’expertise balistique et d’autopsie sur les restes exhumés et présentés comme étant ceux de l’ancien tribun révolutionnaire, dont l’esprit hante encore le Faso. Et hante encore plus certainement le justicier sans maillet qui jeta son dévolu sur son fusil. Le général est était déjà bien au cœur du coup d’Etat contre Thomas Sankara.

Autre chose, le général Diendéré devait être le mari d’une député et l’ami d’un président de la République si les candidatures à la députation de sa femme et à la présidentielle de son compagnon Eddie Komboigo n’avaient pas été rejetées par le Conseil constitutionnel pour “complicité de chirurgie artisanale dangereuse de la Constitution” aux côtés de l’accusé principal Blaise Compaoré. Le général justicier qui veut des élections inclusives aurait bien aimé que madame et camarade soient de la compétition électorale. Coïncidence d’intérêts ?

N’oublions pas non plus la quête de survie du général laissé dans la gueule des anti-Compaoré après la chute de ce dernier fin octobre 2014. Il ne le dit pas, mais le général putschiste, sans attendre les conclusions du sommet de la Cédéao, affirme qu’il accepte tous les points du projet d’accord de sortie de crise proposé par la médiation. Dedans, l’amnistie au profit des putschistes figure au nombre des points qui divisent le Burkina Faso. L’amnistie pour le général Diendéré et sa troupe est-elle aussi profitable au peuple burkinabè et aux parents, proches et amis des jeunes tués par les tireurs du régiment de sécurité présidentielle ?

Non, mon général je ne vous crois pas. Comme vous le concédez vous-même au Monde Afrique en ces termes : « (…) j’agis pour le bien de la nation. Peut-être que je me trompe (…) ».

 


Burkina Faso: A quel saint politique ou militaire se vouer enfin ?

La situation est confuse au Burkina Faso depuis l’après-midi de ce mercredi 16 septembre 2015. Le Régiment de Sécurité présidentielle, Rsp, a interrompu le déroulement du conseil des ministres. Le Président de la transition, le Premier ministre et des ministres sont tenus en respect par les soldats. 


Mon carton rouge à Leo Messi, l’hôte du Gabon

leo gabon

Tu es mal venu chez nous au Gabon, Lionel Messi ! C’est malhonnête de ma part de te souhaiter la bienvenue. Ta visite ce samedi 18 juillet 2015 au Gabon a déchaîné passion chez tes fans, et amertume chez d’autres
Tu es mal venu chez nous au Gabon, Lionel Messi ! C’est malhonnête de ma part de te souhaiter la bienvenue. Ta visite ce samedi 18 juillet 2015 au Gabon a déchaîné passion chez tes fans, et amertume chez d’autres. D’autres comme moi, citoyen africain du Bénin. Que j’ai été ahuri, que je me suis senti humilié de te voir descendre de ton avion en haillons. Au pied de ton appareil attendaient pourtant fièrement des gens responsables avec à leur tête le Président Ali Bongo. Tous drapés de beaux vêtements.

Je parie fort qu’à cet instant le chef de l’Etat a vu passé dans son esprit une question du genre : Oh mon Dieu qu’est-ce qu’il a porté ? Comment veut-il m’humilier ? En plus des critiques que je dois supporter de l’avoir invité ?

Si Ali Bongo ne s’est pas posé ces interrogations, moi je me les suis posées. Je me suis tenu la tête même, je n’en croyais pas mes yeux. Quel manque d’égard ! Lionel Messi, messi du football fut-il, rend visite à un chef d’Etat quand même ! Tu comptes certainement des dizaines de millions de fans, mais Ali Bongo aussi est le président de quelques millions de Gabonais. Et la moindre marque de considération voudrait que tu te présentes à lui en tenue correcte. Ah oui, chez nous en Afrique quand on va chez quelqu’un ou qu’on reçoit un hôte, on se prépare pour. Il nous faut faire bonne impression. Tu l’as sans doute remarqué. Une dame t’a souhaité la bienvenue en versant l’eau par terre pour que tes premiers pas sur le sol gabonais soient posés sur du frais symbole de paix. Et toi alors en retour, quelle gifle tu as infligée à ces hommes et femmes qui t’attendaient en te montrant en loques ! Avec une exhibition de tes tatouages dont on a que faire.

Si c’était pour te montrer simple et sobre, je trouve que c’est une erreur. Tu as plutôt fait montre d’insolence à travers ta friperie. Tu te serais présenté carrément en maillot du Barça que ma colère aurait été moindre. C’est pourquoi je te flanque ce carton rouge pour maillot non convenable.

Mais bon, ceux qui t’ont invité auront été servis. Peut-être qu’ils réfléchiront désormais par deux fois avant de rééditer l’exploit avec d’autres vedettes.


Politiciens en campagne électorale : A vos bouches ! Prêts ? Mentez !

Les harangueurs de foule reprennent du service
Les harangueurs de foule reprennent du service

La campagne électorale est lancée pour les législatives au Bénin. Il est vrai que de fait la course aux voix des électeurs a déjà atteint une vitesse de croisière depuis longtemps, la campagne précoce aidant. Chers candidats à la députation, je vous adresse cette petite note anonyme. Vous y reconnaîtrez la voix du citoyen béninois qui ne veut pas se laisser berner. Bonne lecture !

“… Cher Monsieur en campagne électorale,

Il y a quatre environ, tu obtenais de nous un mandat de représentation à l’Assemblée nationale. Nous t’avions choisi parce que ton discours nous avait séduits, crédules que nous étions. Tu avais promis ciel et terre. Nous avions sans réfléchir cru que de toi viendrait notre bonheur. Il n’y avait pas de raison de trouver quelque trace de contre-vérité dans tes propos, tellement ils étaient adorables. Ah comme le dit le chanteur ivoirien Billy Billy, bouche de politicien, c’est plus que pain sucré! Donc nous t’avions élu député.

Arrivé au parlement, tu as découvert un monde où il y avait des affaires à réaliser. Tu as été initié, tu pris des galons. Chantage politique, marchandage, intéressement, transhumance politique et bien d’autres pratiques ont rempli pendant quatre ans ton  agenda.

A l’heure du bilan, tu es revenu nous dire que tu n’avais pas les moyens de réaliser tout ce que tu avais promis. Et tu t’expliques : un député vote la loi, et c’est tout. Il ne construis pas les pont, les routes… Mais quelques questions pour toi :  dis, comment as-tu pu construire ton château qui par son insolence vient troubler la terne harmonie du décor des taudis du village ? Et la déviation bitumée qui y mène à partir de terre rouge qui traverse notre village, comment l’as-tu construite ? Il paraît que tu en a d’autres en ville là-bas.

Nous ne voulons pas de réponse, parce que le président lui-même a déjà répondu à votre place, vous tous politiciens. “Nous trompons le peuple”, a-t-il déclaré à deux occasions.

Alors, pour ces législatives 2015, toi et tes amis êtes déjà sur le terrain pour tenter d’obtenir la confiance du peuple une nouvelle fois. Bienvenue vos nombreuses promesses. Emploi des jeunes, eau, électricité, micro crédits… et beaucoup d’autres choses. Allez-y ! Servez nous tout. Le boulevard est ouvert et l’air ambiant est disposé à contenir tous vos mensonges. Quand nous les entendrons, ils rentreront par une oreille pour sortir par l’autre et ils seront retenus contre vus. Nous avons compris maintenant, nos suffrages, toi et tes amis ne les aurez pas !”.


Non, le Nigeria n’est (donc) pas un pays d’anarchie !

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Je n’y ai encore jamais mis pied. Tout ce que j’en sais, je le tiens des médias internationaux. Il paraît que le Nigeria voisin de mon Bénin (mon Bénin tel un pilon contre un mur à côté du Nigéria) est un pays de tous les désordres : crime, banditisme, insécurité… Bref une anarchie. Ces préjugés demeurent encore forts si bien qu’on a facilement tendance à ignorer ce qui se fait de mieux dans ce pays. Je me garde ici de m’attarder sur le statut du géant dans l’économie africaine dont il est l’un des moteurs… (Interroger la Banque mondiale pour ça).

Inutile non plus de rappeler ce qui fait l’actualité depuis ce soir du mardi 31 mars 2015 et qui force admiration. On sait déjà que le président sortant, Goodluck Jonathan candidat à l’élection présidentielle a été battu et a reconnu la victoire de son adversaire Muhammadu Buhari. Cependant quelque chose d’autre m’intéresse bien dans cette élection. C’est bien la rapidité avec laquelle les résultats ont été livrés. Cela n’est certainement pas une prouesse au 21e siècle mais nous sommes bien dans le contexte africain. Au passage les Nigérians nous ont gratifiés d’une innovation, l’identification électronique des électeurs…

Plus tôt en 2014 le plus peuplé des pays africains a réussi un exploit. Celui de contenir l’épidémie d’Ebola. Alors qu’on pouvait craindre une propagation rapide du virus transporté par un ressortissant libérien, le Nigeria a agréablement surpris le monde par une circonscription rapide du mal. Ce n’était pas évident dans un pays de plus de 170 millions d’habitants. Le Béninois que je suis a poussé un ouf de soulagement à l’annonce la fin de l’épidémie d’Ebola chez le voisin de l’est.

Je ne saurais terminer sans toutefois mettre le doigt sur la contrebande de l’essence du pays ami. L’essence de la pompe au Nigeria qui est trafiqué hors des frontières au Bénin. Anarchie de nos voisins ? En tous cas, zut ! Ne le dites pas haut, on en profite largement au Bénin. D’où, I love Nigeria


Oui je parle français, mais je suis d’abord africain

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Mais quel pied de nez réussi à la veille de la Journée de la Francophonie ! Les parlementaires béninois n’ont sans doute pas pensé à cette portée symbolique de leur dernière modification portée à la loi électorale. En faisant inscrire dans la loi que les candidats aux élections locales n’avaient pas à savoir lire et écrire le français, les députés béninois ont rendu justice à ces milliers de Béninois et Béninoises, acteurs mobilisateurs pour le développement de leurs communautés mais qui ont eu la malchance de n’être jamais allés à l’école du Blanc.

Ils pourront désormais valablement prétendre siéger au sein des conseils de village ou quartier de ville. Ils le méritent, ils y ont leur place. En fait, ils auront à discuter des problèmes locaux de développement et pour ça la maîtrise du français, certes un atout, n’est pas indispensable. Ce qu’on demande à l’acteur à ce niveau de direction, c’est d’avoir une vision de l’amélioration de son quotidien, lui et ses concitoyens. Par exemple, n’exigeons pas d’un villageois, élu local de savoir lire et écrire le français avant d’initier des séances de travail communautaire en faveur de l’environnement, de l’école du quartier, du marché du village, du pont en matériaux précaires sur le chemin des champs, etc. Bravo aux députés de mon pays ! Merci d’avoir reconnu l’erreur précédente et l’avoir corrigée.

Vous ne l’avez sans doute pas remarqué, mais votre acte est intervenu au cours de la semaine qui voit la célébration de l’édition 2015 de la Journée internationale de la Francophonie. Et c’est cette coïncidence qui m’intéresse. Pour moi cela ressemble bien à un signal fort lancé à qui veut l’entendre que nous parlons et écrions le français comme langue officielle, mais nous sommes d’abord des Africains du Bénin.

Je ne rejette pas la langue du colon, même si… Mais je suis fortement engagé pour la valorisation de nos langues africaines. Il est vrai qu’au Bénin nous n’avons pas encore eu le courage des Sénégalais qui ont formellement reconnu certaines langues locales comme langues véhiculaires. Mais nous gagnerons certainement à oeuvrer pour la survie de nos patois (j’accepte le mot péjoratif, chers amis français !). J’ai honte, en que Béninois de ne pouvoir écrire ma langue maternelle (grâce à l’alphabet français je la lis au moins). Ce n’est certainement pas ma faute, en tous cas pas en amont ! Cela remonte à mes premiers pas à l’école quand l’instituteur du cours d’initiation (qui du reste faisait son devoir commandé) m’embrouillait le cerveau avec une langue française qui n’a rien à voir avec mon shabè que je n’avais pas fini de maîtriser en famille. On pourra aussi remonter plus en arrière pour incriminer le colon gaulois qui à coups de cravache a imposé sa civilisation à mes aïeux du Dahomey par sa politique de l’assimilation alors que Mister le britannique laissait les autochtones nigérians vivre selon leurs cultures.

Mais je n’ai pas vécu cette histoire, alors je pardonne et demande pardon à mes ancêtres qui m’en voudront de leur tombe (une minute de silence SVP) de pardonner au toubab. Je ferme donc la page pour penser à mon adaptation aux enjeux du 21e siècle, celui de la mondialisation. Celle-ci qui suppose que nous sommes tous membres d’une même communauté mondiale ne doit pas nous faire oublier nos valeurs, nos cultures…

Oui je fais désormais mienne la langue française (Bonne fête à tous les francophones hein !) mais je rappelle que je suis d’abord né pour parler naturellement mon dialecte africain. Car je sais que je suis en train de ressembler à … mais je ne le deviendrai jamais. Le tronc d’arbre a beau demeurer un siècle dans la rivière, il ne changera pas d’espèce pour intégrer la famille des crocodiles, m’enseigne une sagesse de chez moi. Alors tout est dit, et j’arrête d’en dire plus…

VinsanG

 


Lettre au nouveau Président de l’UA : Papi Mugabe, t’es pas fait pour ce boulot

Photo de Robert Mugabe
Robert Mugabe, 90 ans désigné Président de l’UA 30 janvier à Addis Abeba

Très cher nouveau Président  de l’Union Africaine, bonjour !

Ce n’est pas la peine que je te demande si tu vas bien. Je le sais, tu es vigoureux, encore à 90 ans. Je te souhaite de souffler la 91ème bougie dans quelques jours. Cher Papi Président, tu sais, je t’aime beaucoup. Je t’ai toujours admiré, ton passé que j’ai appris m’oblige à te rendre hommage.

Papi, c’est avec bonheur que j’ai appris vendredi 30 janvier 2015 que tu es devenu président de l’Union Africaine. Félicitations Papi ! J’ai d’abord applaudi ta désignation, Papi. Puis après, comme je t’aime beaucoup, j’ai compris le complot contre toi. En fait Papi, tes pairs t’ont tendu un piège en te confiant la représentation de l’organisation syndicale. Moi je vais te révéler ça.

Papi, en tant que président de l’Union Africaine, tu auras à aller dîner avec les “boss” de l’autre côté là. Tu devras donner des discours pour leur demander de l’argent pour le compte de l’UA. D’ailleurs, Papi, il t’est confiée déjà la mission de faire la pression nécessaire auprès des partenaires occidentaux, les “invités” comme tu les appelle, afin qu’ils émettent le chèque pour aller taper Boko Haram. Plus encore Papi, tu auras à réagir pour dénoncer les gaz lacrymogène de tes collègues sur leurs populations en période électorale. Tu auras à dire non à la violation des droits de l’homme. Tu auras à signifier à tes pairs qu’ils doivent respecter leurs opposants, même pressés de les renverser. Bref, Papi, un sale boulot qui te met dans de très beaux draps.

Pour ce que je sais de toi Papi Mugabe, tu auras du mal à t’asseoir à la même table avec Angela, François, Barack, David et autres. Pour ton bien je ne te souhaite pas d’avoir à les rencontrer. Je sais que tu préférerais à leur place, Vladimir, Raoul, ou encore l’autre grand ami de notre continent, Monsieur Jinping . Papi, je sais que dans le cadre de tes fonctions, on voudra certainement que tu mettes de l’eau dans ton vin, que tu troques ton discours anticolonialiste contre un discours modéré et conciliateur.

Papi tribun, je sais qu’il te sera difficile de changer le temps d’une présidence de 12 mois. Je ne voudrais même pas que tu changes, ce serait un reniement de ton idéal. Alors tu parleras comme tu l’as toujours fait. Et là, ne sois pas surpris que tes collègues tiennent des discours qui rament à contre courant de la voie que tu traces. Ce ne sera pas bien pour toi.

Tu vois Papi pourquoi je disais que tes amis ne t’aiment pas en t’envoyant au charbon. Maintenant que c’est fait, je ne peux que te souhaiter bonne chance ; vivement que tu n’y perdes des cheveux.

Je t’embrasse Papi,

Ton petit-fils Vinsang


Chute de Blaise Compaoré : il y a longtemps que son pouvoir vacillait

Blaise Compaoré, ancien président u Burkina Faso depuis ce 31 octobre 2014
Blaise Compaoré, ancien président du Burkina Faso depuis ce 31 octobre 2014

Ce jeudi 31 octobre 2014, le Burkina Faso a connu un événement inédit. Le Président Blaise Compaoré au pouvoir depuis 27 ans et deux semaines précisément a renoncé sous la pression de la rue. Les dernières manifestations qui ont poussé le président au dehors se sont déroulées en moins d’une semaine. Des centaines de milliers de Burkinabé hostiles au projet de révision constitutionnelle porté par leur président sont descendus d’abord dans les rues de la capitale Ouagadougou pour exiger le retrait de la réforme.

Alors que le gouvernement a cédé sous la pression ce mercredi 30 octobre, la foule en colère, insatiable sous la conduite de l’opposition a brandi la revendication ultime : la démission du Président dont le mandat en cours devrait prendre fin en novembre 2015. Elle a eu gain de cause. C’est l’aboutissement d’une fronde qui couvait mais qui a éclaté à la faveur de la dernière ambition démesurée de Blaise Compaoré. Morceaux choisis de quelques moments de la constitution du soulèvement populaire qui a emporté le “Beau Blaise”.

21 octobre 2014 : Blaise Compaoré adopte en conseil des ministres le décret d’un  projet de loi portant révision de la Constitution qui sera soumis à l’Assemblée nationale en vue de la convocation du référendum« . La révision doit porter sur l’article 37 de la constitution du 11 avril 2000 limitant à deux le nombre maximum de mandats que peut effectuer le Président du Burkina Faso. C’est la conséquence logique de l’échec des négociations entamées plus tôt.

6 octobre 2014 : les négociations entre pouvoir et opposition au sujet du projet de  référendum constitutionnel sont closes sans accord entre les différentes parties campées sur leurs positions. Le parti au pouvoir se montrant légaliste veut que les urnes jouent l’arbitre. L’opposition craignant d’être flouée au référendum est méfiante. Pour elle pas question de réviser la constitution.

18 janvier 2014 : des partis de l’opposition et des démissionnaires du partis de Blaise Compaoré  mobilisent des centaines de milliers de personnes dans les rues de Ouagadougou et d’autres villes du Burkina Faso. Objectif, dire non à une possible révision de la constitution. Jusque-là la révision était un sujet non officiel. La manifestation est on peut le dire le point de départ du regain de confiance de l’opposition.

5 janvier 2014 : Des barrons membres du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), le parti au pouvoir tournent au dos au parti. Ils se constituent en opposition pour contrer la révision de la constitution pour maintenier Compaoré au pouvoir. Visiblement, ils risquent d’attendre indéfiniment leur tour de gerer le pouvoir d’Etat et refuse de toujours porter Blaise Compaoré.

1er septembre 2013 : un ex-soldat de la garde présidentielle tente du tuer Blaise Compaoré. Le rebelle est abattu.

30 août 2013 : Le comité spécial créé par Blaise Compaoré pour étudier les conditions de mise en place d’un Sénat dépose son rapport. Depuis quelques mois, le débat autour de la mise en place d’un Sénat est vif dans le pays. L’opposition rejette la réforme parce qu’elle pourrait servir à faire maintenir Blaise Compaoré au pouvoir au delà de 2015.

14 avril 2011 : Une mutinerie éclate au sein de la garde présidentielle de Blaise Compaoré. La fronde militaire commencée la nuit est poursuivie jusqu’au lendemain. Le Chef de l’Etat pris de panique quitte son palais et fuit dans son village natal de Ziniaré. La situation va se calmer et Blaise Compaoré va dissoudre le gouvernement. Il remplace le Chef d’Etat-major de l’armée. Alors qu’il venait dêtre rélu en novembre 2010 dans la contestation pour un nouveau mandat de 5 ans, le pouvoir de Blaise Compaoré vacille. Mais il réussira à raccommoder… Visiblement, il n’avait fait que repousser l’échéance… Et elle arriva en 2014, accélérée par l’entêtement du Président avide
Vinsang


Burkina Faso : Blaise a lui-même allumé sa braise

Scène de pillage à Ouagadougou 30 octobre 2014 Image: facebook Virgile Ahissou
Scène de violence à Ouagadougou 30 octobre 2014 Image: facebook Virgile Ahissou

Sur la base des images qui tournent sur Internet depuis mardi 28 octobre 2014, Ouagadougou est remontée contre le projet de révision de la Constitution de Blaise Compaoré. Les derniers événements avant la rédaction de ce billet font état de scènes de vandalisme orchestrées par les manifestants déchaînés et décidés à en découdre avec l’autorité de l’Etat. Le Burkina-Faso jusque-là vu, en tout cas par moi, comme un pays stable et ayant un modèle de développement appréciable vient de basculer dans la violence inutile, sombrant ainsi son avenir.

Mais en quelques mois seulement la contestation a germé et a donné les fruits inévitables prévisibles que tout le monde connaît. On a tous vu le déroulement des événements ce jeudi 30 octobre. Le président burkinabè a lui-même suscité l’arme qui demande aujourd’hui sa démission pure et simple. Se croyant fort, il disait sur Radio France Internationale que le principe d’institutions fortes prôné par Barack Obama n’est valable que si ces institutions sont dirigées par des hommes forts. Monsieur Blaise Compaoré en se présentant comme le garant de la stabilité de son pays a fait croire qu’il est indispensable. Erreur. Aucun homme n’est irremplaçable. Après 27 ans de pouvoir, considérer, comme le prétendent certains, qu’il n’y a pas de leader capable de diriger le Burkina Faso est à la limite une insulte à l’intelligence des autres acteurs politiques.

Malgré les avertissements donnés par l’opposition et les mouvements de jeunes, les partisans de la révision ont refusé d’entendre raison. Ils ont foncé tout droit jusqu’à être arrêtés par ce qui se passe aujourd’hui. Le Parlement sens dessus dessous, la télé nationale réduite au silence, les domiciles des membres du clan au pouvoir saccagés… Même le rétropédalage du gouvernement n’aura pas permis de calmer la foule en colère. Elle est décidée maintenant. La simple contestation d’un projet de révision constitutionnelle est en passe de devenir une véritable contestation du pouvoir jusqu’à demander son départ. Une extrémité regrettable, mais qu’aura bien cherchée l’autorité. Quand la foule est poussée à bout, elle devient incontrôlable et insatiable. Elle dévore tout sur son passage. Il vaut mieux ne pas la provoquer. Blaise n’aurait pas dû. Trop tard…
Vinsang AGUE

 


Bénin : quand la grève tue l’hôpital public

"hôpitaux morts"

L’intersyndicale des ressources humaines en santé du Bénin a le plaisir de vous annoncer la « mort » de l’hôpital public. Si cette manière de commencer mon billet est alarmiste, je change volontiers ma façon de raconter les choses. De toutes les manières, ce qui est décrit ci-après n’est pas bien loin de traduire l’amorce de ce billet. 

Un pays sans service de santé public, ou presque. Mon pays le Bénin en fait la dure expérience depuis ce mardi 14 octobre 2014. Une catégorie d’agents de santé appelés praticiens hospitaliers observent un mouvement honteux de grève de trois jours sur sept sans service minimal. Je n’y croyais pas quand l’annonce de cette grève a commencé par apparaître dans la presse. Ils ne vont quand même pas faire ça, me suis-je toujours dit.

Mais au Bénin, tout est possible. Des fonctionnaires arrêtent volontairement et fièrement de travailler pour réclamer de l’argent. Non pas leurs salaires, mais des indemnités de logement. Pas que ces indemnités n’existent pas. Mais qu’elles existent et doivent êtres augmentées. Pas que le gouvernement a refusé de les augmenter. Mais qu’il faille que la décision d’augmentation intervenue en février 2014 soit appliquée de façon rétro-active à compter de 2008. Pas que le gouvernement refuse de négocier à propos. Mais que le gouvernement s’engage sur papier à travers un « protocole d’accord ». Et Pas que et toujours pas que…

Parce que donc cet engagement n’est pas obtenu, on décide de refuser de faire son travail. Pas n’importe quel travail. Le travail sensible de soigner les malades. Et pas n’importe quel refus. Un refus catégorique.  Et si vous voulez, je peux encore continuer. Une grève qui fait fi du contexte d’alerte sanitaire. Ebola fait frémir partout. L’épidémie n’est pas au Bénin. Mais au nord du pays, à Péhunco, les populations sont prises en otage par le choléra (plus de cent cas déjà enregistrés dont un décès officiel).

La grève est un droit garanti par la loi au Bénin. Elle est l’arme suprême que le travailleur emploie quand il est poussé à bout. Mais chez moi la grève est même plus, c’est un devoir. Un devoir de laisser mourir de pauvres personnes en l’espèce. Impunément. Fièrement on a eu le culot d’annoncer qu’on organisait, pardon orchestrait l’opération « Hôpitaux morts ». Les grévistes savent bien les conséquences inévitables de leur acte. Sans cœur, ils optent pour la radicalisation. Cette énième grève a le don d’ôter à la grève son utilité. Aller en grève est désormais chose banale et ordinaire…

Vincent Agué